En Corée du Sud, savez-vous qu’il est possible la possibilité de faire recours à une procédure légale pour adopter une amie ? Dans quel intérêt ? Pour les personnes sans enfants, c’est un moyen de fonder une famille et d’avoir quelqu’un à qui s’en remettre pour des questions administratives et juridiques.
Corée du Sud : une écrivaine a décidé d’adopter une amie pour en faire son tuteur
Eun Seo-ran est une écrivaine sud-coréenne et une célibataire heureuse sans enfants. Tout allait bien dans sa vie jusqu’au jour où elle dut affronter une urgence médicale. Cette situation a bouleversé sa vie et l’a poussée à ses derniers retranchements : adopter une amie.
Elle avait besoin d’une famille de soutien durant cette phase difficile. Or elle était à un âge avancé et ne ressentait aucun désir d’enfants. C’est là que l’idée de faire de sa meilleure « copine » un membre de sa famille a germé.
Lorsqu’elle a été hospitalisée, Eun Seo-ran a pris conscience qu’elle avait besoin de quelqu’un à ses côtés, non seulement sur le plan émotionnel, mais aussi sur le plan juridique. Elle avait besoin d’une personne apte à lui rendre visite à l’hôpital en tant que membre de sa famille, et éventuellement prendre en charge ses funérailles.
Miser sur les liens d’amitié pour fonder une famille
À 44 ans, Mme Eun mène une vie loin de sa famille biologique, marquant ainsi une distance à la fois géographique et affective. Cependant, elle a pu se trouver un pilier solide en la personne de Lee Eo-rie. Ensemble, les deux femmes partagent une propriété, cohabitent harmonieusement, se partagent les dépenses et se soutiennent mutuellement en cas de maladie… Et tout cela sans qu’aucune relation amoureuse n’entache leur amitié.
Dans une Corée du Sud conservatrice, trouver une façon de faciliter les démarches d’hospitalisation de Mme Eun s’avérait complexe. Le mariage entre personnes de même sexe et l’union libre n’y sont pas reconnus. La famille traditionnelle demeure la norme. Dès lors, Mme Eun a trouvé une « combine » légale : adopter une amie ou un adulte légalement pour fonder une famille. Cette démarche leur offre une reconnaissance légale et une certaine sécurité dans leur relation.
Pays du matin calme : une vision familiale encore très traditionaliste
Au micro de l’AFP, Mme Eun explique que la famille, telle que définie par la loi actuelle, repose sur l’union sexuelle et la filiation biologique des enfants. Mais de son point de vue, les liens affectifs ont plus de valeur. Elle souligne que lorsque sa relation avec une personne lui procure une stabilité émotionnelle et une sérénité profonde, elle considère cette personne comme un membre de sa famille.
En Corée du Sud, un pays avec le plus bas taux de natalité au monde et le nombre de mariages en perpétuelle baisse, de plus en plus d’individus vivent en solitaire et affrontent la solitude, même en fin de vie.
Une proposition de loi pour ouvrir les esprits
Consciente de cette réalité, la députée Yong Hye-in s’est permis de soumettre une proposition de loi visant à élargir la définition légale de la famille avec des mesures comme adopter une amie. Cependant, elle s’est heurtée à une opposition farouche de la part du bloc conservateur et chrétien. Ces derniers craignent qu’un tel changement ne représente le premier pas vers la légalisation du mariage entre personnes de même sexe.
Si cette proposition est adoptée, l’Association coréenne pour la communication de l’Église affirme véhément que cela pourrait démanteler le système familial du pays et être préjudiciable aux enfants.
Cette déclaration met en évidence la tension persistante entre ceux souhaitant une évolution des définitions familiales pour inclure une plus grande diversité des relations et ceux attachés à une conception traditionnelle de la famille, souvent motivée par des convictions religieuses.
Population coréenne : 41 % sont des personnes sans enfants
Présentement, les ménages unipersonnels représentent 41 % de la population en Corée du Sud. Or cette proportion devrait continuer de croître. Selon Hyeyoung Woo, une spécialiste des familles sud-coréennes à l’université d’État américaine de Portland, cette situation demeure en partie due à la définition juridique limitée de la famille en Corée du Sud. De plus, on observe une diminution des mariages, avec seulement 3,7 mariages pour 1 000 personnes en 2022.
Malgré cela, les Sud-Coréens ressentent toujours le besoin d’établir des liens et ils souhaitent que ces liens soient reconnus aux yeux de la loi.
La députée Yong souligne qu’il est vital de résoudre le problème de l’isolement croissant des personnes sans enfants en élargissant les perspectives qui leur sont proposées.
Adoption d’adulte : une procédure légale étonnamment simple
Selon Mme Eun, la procédure légale d’adoption d’adultes s’est avérée simple. En Corée du Sud, l’adoption d’un enfant par une personne non mariée n’est pas illégale. Cependant, elle implique généralement une enquête en profondeur. De plus, elle s’avère rarement approuvée par les tribunaux.
Or, dans le cas de Mme Eun, les seules conditions étaient qu’elle soit plus âgée que Mme Lee. Il fallait aussi cette dernière ne soit pas sa fille biologique. Et les parents de Mme Lee devaient donner leur accord. Étonnamment, un seul formulaire a suffi et la demande reçut l’approbation des autorités en seulement 24 heures.
Cette rapidité inattendue a conduit Mme Eun à ressentir de la tristesse. Elle plaint tous ceux qui luttent en Corée du Sud pour obtenir la reconnaissance légale de leurs relations non conventionnelles. Cela souligne ainsi les disparités dans le traitement des différentes formes de famille.
D’autres actualités sur la parentalité et la vie de famille sont à découvrir sur Badabim. Suivez-nous sur Facebook.
Avec ETX Daily Up